1760-06-05, de Charles Jean François Hénault à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher confrère,

Il n'y a rien au monde de si agréable que vos vers; aussi ont-ils fait fortune, et ont-ils rejoint leurs heureux aînés.
Vous êtes le seul immuable, sans vieillir et sans être monotone, et jamais Hécube ne fut plus féconde que votre muse, avec cette différence, c'est que toute votre famille poétique a prospéré, et que tous vos enfants sont bien placés, les uns c'est le chef des nom et armes dans l'épique, les autres dans l'histoire, les autres dans le dramatique, les autres dans la géométrie et la physique, les autres dans le badinage des épîtres &c. Il n'y en a pas beaucoup dans l'église. Je voudrais bien avoir quelques unes de vos ressources, uniquement, mon illustre confrère, pour vous exciter, et pour m'attirer des lettres qui m'honorent autant qu'elles me plaisent. Jouissez de la fortune singulière que votre bon esprit vous a procurée, et croyez que vous n'avez pas d'ami plus fidèle. Mille et mille compliments à votre Chammeslé, à votre le Couvreur, à votre Clairon, c'est encore là un de vos ouvrages. Je vous embrasse mon illustre confrère du plus tendre de mon cœur.