De Launay le 6 7bre 1755
Brutus, Cesar, Oedipe, Oreste, Ciceron
Voioient, par toy, leur Buste au haut de l'Helicon
Entre les Médaillons de Cinna, d'Atthalie,
Et Corneille et Racine étoient seuls tes Egaux;
Tu vins, tu leurs cédes la Grece et l'Italie:
Tu voulois régner, sans Rivaux, . . .
Bientost, pour te saisir de ton noble apanage
On te vit descendre au Rivage,
Où Cortés attacha ses perfides Vaisseaux,
Que l'avarice armoit contre le nouveau monde;
Avec quels fidèles Pinceaux,
Avec quelle étude profonde
Tu rendis les tendres fureurs,
Et la vertu, sans art, de ce brave Zamore!
Quel cœur n'a pas meslé ses pleurs
Aux regrets déchirants d'Alzire, qui l'adore?
On déteste à la fois, et l'on pleure Gusman; . . .
De là ta muse Dramatique,
Enlaçant ses Lauriers des plis d'un fier Turban,
Franchit les mers, nous peint ce fourbe politique,
Missionnaire impie, implacable Tiran,
D'un Dieu pur, qu'il irrite, interprète cynique,
Dont l'Arabie aux fers adore l'Alcoran;
Trop aveugles Mortels quelle Erreur est la vostre!
La Peur change à vos yeux un Brigand en Apostre.
Mais quels coups signalés a frapé le Destin?
Qui t'apele aux Ramparts embrasés de Pékin?
Est ce une maitresse tremblante
Ou sa pasle mère expirante
Qui dérobe ton Prince au fer de l'assassin?
La Pitié, la Terreur sont tes plus sûres armes
Maitre des Coeurs: dis moy lequel de ces deux charmes
Vient de ranger Paris sous tes enchantemens;
En attendant le Tribut de mes larmes
Reçoi mes aplaudissemens.