à Gotha ce 3 d'Août 1766
Vous recevrés donc au premier jour Monsieur les cinquante Louis que nous destinons le Duc et moi à cette malheureuse famille des Sirvens protégés par Vous.
Le don est modique j'en conviens, vis à vis de cette famille qui en a besoin, et vis à vis d'un Prince qui a deux principautés. Mais en considérant tout ce que nous avons à doner dans le cour d'une Anée le présent est moins petit qu'on ne le pense; et voilà pourqoui je dis, et je le répète, qu'on trouve toujour plus de misère, que de soulagement à rendre avec la meilleure volonté du monde. Malgré cette triste vérité, nous avons la satisfaction depuis quelques mois d'avoir trouvées une source minérales et très salutaire dans une petite Ville nomée Ronebourg dans le teritoire d'Altenbourg et sous la domination Duc. Cette eau fait et produit des effets miraculeux, les sourds recouvrent l'usage de leurs oreilles, les aveugles la vue, les perclus reprenent des forces, et surtout ceux qui ont étés affiigés par l'épilepsie sont raticalement guéris. Il s'y trouve depuis deux ou trois mois une affluence de monde imense. L'entousiasme est inexprimable, et étonant, pour ceux qui ignorent combien l'esprit et le coeur humain est susceptibles à se livrer à l'entousiasme, et son penchant naturel pour tout ce qui s'appelle prodige. Mes deux fils ont demandés la permission à leur Père d'y aller pour voir tant de merveilles, et je ne jure pas que nous ne soyons tentés le Duc et moi d'y aller encor cette anées nous mêmes, non pour y retrouver la vigueur de la jeunesse mais par simple curiosité. Je ne manquerai néanmoins pas de m'en laver les yeux qui ont besoin de soulagement: et cette Eau n'est guère encor facile à transporter. Le dominant de cette Eau est le vitriol, le soufre, et quelque chose de savoneu qui s'y mêle. Je n'en parle assurément point sientifiquement, ignorant les termes d'art et la phisique. Mais si la vertu de ces sources continues come je le souhaite et ose l'espérer, je Vous conjure Monsieur de Vous y rendre l'anée prochaine, pour soulager Vos chers et beaux yeux. Je Vous demande pardon de cette longue épisode. J'avoue que ces Eaux de Ronebourg m'intéressent infiniment. Il est si doux, si agréable, d'avoir quelque chose pour le soulagement de l'humanité, que j'envisage cette source, si elle ne tarit point, come notre meilleur patrimoine. Les Olenschlagers, banquiers à Frankfurth, Vous ferons tenir la somes que nous destinons aux Sirvens. En peu de jours nous comptons aller à une maison de Campagne, proche d'ici, pour quelques semaines; nous n'atendons pour ce but que le retour de nos enfans. Ronebourg est à vingt Six lieues de France éloignés d'ici. Le Duc Vous fait mille compliments, et la chère et aimable Maitresse des coeurs Vous assures de sa tendre et parfaite amitié. Cette pauvre feme est toujour souffrante, et douloureusement acablée de son affliction. Elle ne vous aime et n'admire pas moins pour cela. J'en fais autant Monsieur, c'est à dire je Vous chéris, je Vous honore, je Vous admire de toutes mes facultés bien véritablement, bien constament come Votre amie et servante
Louise Dorothee de Saxe