J'ay reçu votre Lettre du dix sept juillet, mon ancien ami, et vous devés en avoir reçu une de moy du 26.
Je souhaite que le paquet que vous me destinés soit un peu gros, il n'y a qu'à l'envoyer par la diligence à Mairin. Tout arrive sûrement par cette voye presque aussi promptement que par la poste. Je croyais qu'on vous avait envoyé les trois volumes des mélanges; je vais tout à l'heure recommander au libraire de vous les faire parvenir sans délais. Le livre de Freret est autre chose que cette lettre de Tragibule. C'est un assez gros volume in 8. imprimé en Allemagne depuis quelques mois. Il est intitulé examen critique des apologistes. On dit que c'est un excellent livre plein de recherches curieuses et de raisonnements vigoureux. Les connaisseurs en font un très grand cas. Je vous serai très obligé de me faire avoir la critique de Thomas, La Cacomonade, et L'histoire des Jésuites. J'ay le mémoire des sept avocats. Il ne me parait pas si intéressant que les extraits que vous enverrés sans doute à votre correspondant.
Surtout gardés-vous de nommer celui qui a fait tenir ces extraits. La personne dont vous vous plaignés est inébranlable dans la fermeté de ses sentiments, et met dans l'amitié une chaleur toujours active. Elle aura peut étre été affarouchée d'un peu de tiédeur ou de mollesse qu'on vous reproche quelquefois et de cette insensibilité apparente qui vous fait oublier vos amis pendant plusieurs mois; mais il faut pardonner à vos maladies. Nous prenons toujours les eaux en Suisse avec Mademoiselle Corneille. Je crois vous avoir mandé que votre correspondant a donné 500 francs aux Sirven. Je m'étais trompé, c'est cent écus d'Allemagne, mais c'est toujours un bienfait honorable dont ils doivent être très reconnaissants. Je vous souhaitte une meilleure santé qu'à moy et je vous embrasse de tout mon cœur. J'aimerai toujours mon ancien ami.
[31 Juillet 1766 à Fernex]