1766-06-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Mon cher et ancien ami j'aurais plus de foy à votre régime qu'à l'eau de Monsr Vyl.
La véritable eau de santé est de l'eau fraiche, et tous ceux qui prétendent faire subsister ensemble L'intempérance et la santé sont des charlatans. Une meilleure recepte est celle qu'on vous envoye de Brandebourg tous les trois mois. Votre arrangement me parait très bien fait et très adroit; il n'y a personne auprez de votre correspondant qui puisse L'avertir qu'on lui donne du vieux pour du nouveau. Il serait à souhaitter que le public donnât dans le même paneau, et qu'il relût nos auteurs du bon temps au lieu de se gâter le goût par les misérables nouveautés dont on nous accable.

Vous êtes sans doute informé du nouveau livre qui parait sous le nom de Freret; c'est un excellent ouvrage qui doit déjà être connu en Allemagne. Les citations sont aussi fidéles que curieuses, les preuves claires et le raisonnement si vigoureux qu'il n'y a qu'un Sot qui puisse y répliquer. Les lettres sur les miracles de Baudinet et de Covelle ne sont encor point connues en France.

Si je trouve dans mes paperasses quelques petits morceaux qui puissent figurer dans vos envoys, je ne manquerai pas de vous en faire part, mais à présent je suis si occupé de l'édition in 4. que les Crammer font de mes anciennes sotises, je suis si enseveli dans des tas de papiers que je ne peux rien débrouiller. Mais quand je serai défait de cet embaras désagréable, je chercherai tous les matériaux qui pourront vous convenir. Nous comptons avoir incessament un des neveux de votre correspondant. J'aime bien autant les voir chez moy que des aller chercher chez eux. Nous avons eu L'abbé Morrelet; c'est un homme très aimable, très instruit, très vertueux. Voilà comme les vrais philosophes sont faits, et ce sont eux qu'on veut persécuter! Adieu, mon cher ami, vivez tranquile et heureux.

V.