1763-05-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à César Gabriel de Choiseul, duc de Praslin.

Monseigneur,

Mes anges m'aiant envoyé de vôtre part, la copie de vôtre Lettre circulaire, et m'aiant apris que vous protégez la gazette Littéraire, que même vous ne seriez pas fâché que je fournisse quelques matériaux à cet ouvrage, j'ai senti sur le champ mon zèle se ranimer plus que mes forces.
J'ai broché un petit éssai sur les productions qui sont parvenues à ma connaissance ce mois cy. Je l'ai envoié à Mr De Montperoux, à qui j'ai voulu laisser une occasion de vous servir, loin de la lui disputer. Je connais trop l'envie qu'il a de vous plaire pour vouloir être dans cette occasion, autre chose que son secrétaire.

Je me trouve heureusement plus à portée que personne de contribuer à l'ouvrage que vous favorisez, et qui peut être très utile. J'ai des correspondances en Italie, en Angleterre, en Allemagne et en Hollande. Si vous l'ordonnez, je ferai venir les livres nouveaux imprimés dans tous ces païs, je vous en enverrai des extraits très fidèles, que vous ferez rectifier à Paris, et auxquels les auteurs que vous emploiez à Paris donneront le tour et le ton convenable.

Si ma santé ne me permet pas d'éxaminer tous les livres, et de dicter tous les extraits, vous pouriez me permettre d'associer à cet ouvrage, quelque sçavant laborieux dont je reverrais la besogne. Vous sentez bien qu'il faudrait païer ce sçavant, car il serait suisse.

J'ajoute encor qu'il faudrait, pour être servi promptement, et pour que l'ouvrage ne fût point interrompu, faire venir les livres par la poste; en ce cas, je crois qu'on pourait écrire de vôtre part aux directeurs des postes de Strasbourg, de Lyon et de Genêve, qui me feraient tenir les paquets. En un mot, je suis à vos ordres. Je serai enchanté d'emploier les derniers jours de ma vie un peu languissante, à vous prouver mon tendre attachement et mon respect.

Volt.