1766-01-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Frédéric Gabriel Christin.

Je vous demande bien pardon, mon cher ami, de répondre si tard à vôtre Lettre.
Vous ne doutez pas combien j'ai été sensible à la perte que nous avons fait tout deux du plus digne ami que vous eussiez. Je le regretterai toute ma vie. Vous êtes le seul dans le païs où vous êtes qui puissiez me consoler. Je vous plains de vivre avec des personnes si éloignées du caractère de celui dont nous pleurons la mort. Nous désirons infiniment à Ferney de pouvoir arranger les choses de façon que vous vécussiez avec nous. La vie n'est suportable qu'avec d'honnêtes gens dont les sentiments sont conformes aux nôtres. Je me tiendrai très heureux quand vous pourez laisser des bœufs ruminer avec des bœufs, et venir penser avec vos amis.

Je tiens l'histoire de l'homme pendu pour avoir mangé gras très véritable. Cet arrêt d'ailleurs, me semble fort juste, car les hommes qui se laissent traitter ainsi, n'ont que ce qu'ils méritent.

Nous vous faisons tous les plus sincères compliments.

V.