Ma belle Reine vous me croirez une très méchante maman.
Il y a un siècle que vous m'avez écrit la plus jollie lettre du monde et j'ai eu l'injustisse de ne vous pas répondre. Je vous jure que ce n'est pas mauvaise volonté, mais j'ai cru cet été que la teste me tournerait. Jamais nous n'avons eu tant de monde. Je n'ai pu disposer d'un moment et les maçons dont notre maison est plaine accroissait encor mon embaras.

Dieu merci je suis aprésant à moi même et j'en profite pour vous dire que je vous aimerai toujours. On m'avait assuré que vous étiez grosse, d'autre personnes m'ont dit que vous ne l'étiez pas, dites moi je vous prie ce qui en est et surtout donnez moi de vos nouvelles, de celles de vos deux aimables maris et de votre gros garçon. Soiez sûre que je m'intéresse à tout ce qui vous touche, et que je m'enuie fort de ne vous point voir.

Nous avons bâti deux elles à notre château, on vient de les couvrir. Il faut actuelement faire les dedans à quoi nous allons travailler cet hyver. J'espère que lors que cela sera fini vous viendrez juger et vos deux maris de notre ouvrage. Souvant ma belle reine vous n'en avez qu'un. M^r Devaut est obbligé de passer six mois à Dole. Ne serez vous pas tantée d'y aller quelque fois?

M^r et m^me Dupuits vous font et à vos Messieurs mille tendres complimens. Votre cher frère a fort envie de vous voir, il espérait donner un peti coup de pied jus qu'à Long le Saunier mais sa femme est grosse de près de six mois et est très incomodée. Je me flate pourtant quelle no[us] fe[ra] un garçon et qu'elle n'en fera plus, c[ar] elle est si délicate qu'il n'y a pas moien de lu[i] faire peupler une ville.

Pour vous ma belle reine vous ferez de baux en[fants] sans vous incomoder.

M^me Dupuis a retiré sa petite fille de nourisse, nous l'avons à la maison, elle est très gentille, a dix dants et se porte fort bien. J'ai bien envie de voir jouer ensemble le vôtre et cette marmotte. J'ai bien envie de vous embrasser et de vous convincre des tendres sentimens avec les quels je serai toute ma vie Madame Votre très humble et très obbéissente servante

Denis