Au Château de Ferney, 20 may 1765
La confiance que vous voulez bien me témoigner, monsieur, me flatte et m'honore.
La retraite profonde où je vis, mon âge avancé, et les maladies dont je suis accablé, me mettent hors d'état de faire les recherches qui seraient nécessaires pour le dessein que vous avez. J'avoue que vous avez raison de penser que le sieur Jean Jacques Rousseau, ne s'étant guères occupé à Paris qu'à exciter des troubles dans le parterre de l'Opéra, étant chassé de France, de Genève et de Berne, n'est guères propre à concilier les esprits d'une République. Mais, monsieur, je ne puis vous rendre un compte bien exact de ses livres que je n'ai presque point lus, ni de sa personne que je ne connais point du tout. Si vous voulez avoir des informations, je crois qu'il les faut juridiques: je pense que si vous écriviez à MM. du Conseil d'Etat de Genéve, ou du moins à monsieur le procureur général, vous auriez une réponse satisfaisante qui vous mettrait en état de rendre à vos concitoyens le service qu'ils semblent attendre de vous. La voix d'un particulier est trop peu de chose dans une pareille affaire.
J'ai l'honneur d'être, bien respectueusement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire gentilhomme ordinaire du roi