1765-12-23, de François Henri d'Ivernois à Jean Jacques Rousseau.

Mon plus cher ami, J'espère que serés arrivé à Paris bien portant, c'Est ce que Je suis impatient d'apprendre; on sçait ici que vous y étes & chaqun n'en ressent pas le même plaisir.
J'ignore sy vous écrivés à la personne qui devoit faire un ouvrage qui devoit se raporter à vous, elle est Comme vous sçavez absente depuis long-tems. J'apprens qu'elle a tenu à Nimes des propos sur vôtre Comte qui méritent que vous la méprisiez & que vous n'ayez plus de Confiance en Elle.

Monsieur Le Résident est arrivé depuis Lundy dernier, il paroit home de mérite & fort instruit, plusieurs de nos Messieurs l'ont vû & en sont Contents, lui l'Est particulièrement de De Luc L'ainé. Nous Continuons nos Conseils Généraux Come à l'ordre, nous tenons le 6me aujourd'huy parce qu'on Comunia hier. J'espère qu'avant le départ du Courrier l'opération sera finie & de vous en rendre Comte au bas de la pte. Jusqu'àprésent le Magistrat fait bonne Contenance & ne fait aucune proposition. La Correspondance est fréquente entre Berne & ici, & J'ay des avis de bonne part que Zurich & Berne ne se presseront point à accorder la médiation, ils écrivent à nos Magistrats de faire ensorte de nous arranger par nous mêmes: quoi qu'il en soit la Bourgeoisie paroit décidée à Continuer ses opérations Come à l'ordinaire.

Monsieur Du Peyrou vous aura sans doute envoyé le dernier écrit du Professeur qui fait pitié. Je suis fâché de la déclaration que les Paroisses de Motier & Boveresse lui ont donnée, enfin leur ai-je marqué que si J'eusse assisté dans l'assemblée, J'aurois fortement insisté sur la nécessité d'y inserrer des Exeptions puisque personne n'ignore dans le lieu les talents mensongers de cet homme & ses fréquents oublis avec Bachus. J'ay adressé ma lettre à quelqu'un qui ne manquera pas de la lui faire voir, aussi l'ai-je fait à dessein.

Je désire que vôtre séjour à Paris soit agréable & Je l'apprendrai avec plaisir. Je me persuade que vous ne laisserés pas échaper les occasions de dire quelque chose en nôtre faveur, car avec tout nôtre bon droit nous aurons besoin de toutes nos pièces particulièrement auprés de la France; on ne cesse de nous pronner ici le Crédit que le Jongleur & Consorts ont auprés de Monsieur Le Duc de Praslin. Peut-être nous en impose t'-on & nous dit on tout cela pour nous intimider, mais nous voulons Continuer à nous Conduire sagement & à être fermes & Conséquents.

Je vous Embrasse tendrement.

L'homme qui m'avoit pretté un petit livre que vous avez eu pendant quelque tems chez vous ne répond pas à ce que nous attendions de lui, aussi n'a t'on plus de Confiance en lui & aura t'-il bien de la peine à repenser.6me Conseil Général du 23 xbre 1765

pour seigneur Lieutenant
Noble Jean Antoine Guainier 194 suffrages
Jacob Tronchin 56
Nouvelle Election 914
pour Procureur Général
sieurs Pre Grenus 58
René Vincent Vial 132
Nouvelle Election 954

V. ayant ou Croyant avoir des sujets de plainte contre les Jongleurs, à l'occasion de la Campagne qu'il tenoit d'Eux, et qu'il leur a cédée pour se retirer à F. et étant peut-être aussi animé du désir de Jouër parmi nous un rôle aussi honorable que celui qu'il a joüé dans l'affaire des Callas, nous a fait rechercher, & tout bien Considéré 3, où 4 de nos amis ont Cru devoir répondre à ses avances. Il leur à dit avoir écrit Contre nous en France dans un tems où il ne Connoissoit que nos droits. Il paroit les Connoitre actuelement & les avoir pris à Cœur. Nous somes Certains qu'il écrit en nôtre faveur, & que loin de nous faire du mal il nous fait du bien. C'Est lui qui à Introduit quelques uns de nous auprés du nouveau Résident, & nous pouvons apprendre bien des choses intéressantes par son Canal. Nos Antagonistes le sentent vivement & ne négligent rien pour lui faire abandonner ce qu'ils appellent le travers qu'il a pris Contr'eux. Ils y vont chaque Jour & il arrive à Ceux des nôtres quelques fois de s'y rencontrer avec Eux. Je serai vôtre hôte, dit alors V, je mettrai la nappe pour vous, & Je serai bien charmé si ma maison peut être le point central de la Réunion. Au surplus les Personnes qui y vont marchent toujours avec prudence & Circonspection, et lorsqu'on se Rencontre, on laisse les Contreverses à quartier. Il m'a fait demender deux fois, mais Je ne veux point y aller, Je préfère Rester chez moy, il à témoigné à plusieurs reprises grande envie de se Repatrier avec vous.

En cachetant cette lettre Je Reçois la chère vôtre du 18. Je n'ay que le tems de vous le dire.

D'Ivernois