1765-04-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Sébastien Dupont.

J'ai attendu, mon cher ami, pour vous répondre, qu'on m'eût écrit de Stuttgard.
On ne veut point vendre. On est comme des assiégés manquant de vivres, qui font accroire aux assiégeants qu'ils font bonne chère. Les finances sont un peu dérangées, comme partout ailleurs, et le différend avec les états est un peu embarrassant. Je ne sais si m. de Mommartin pourra venir à bout d'arranger cette grande affaire. Le duc de Virtemberg sera peut-être obligé de plaider contre ses sujets devant la cour aulique. Cela est plus désagréable que d'essuyer des remontrances des parlements, et les états de Virtemberg paraissent plus têtus que ceux de Bretagne.

Vous savez que le roi a donné trente-six mille livres à la famille Calas, et que cette famille infortunée, qui a fait tant de bruit dans le monde, a la permission de prendre ses juges à partie, ce qui n'était point arrivé, ce me semble, depuis le massacre juridique de Mérindol et de Cabrières, sous François 1er . Un tel exemple doit rendre tous les juges bien circonspects quand il s'agit de la vie des citoyens. Je vous fais les compliments de père Adam; recevez les miens et ceux de madame Denis.

Voltaire