1765-04-03, de Étienne François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul à Voltaire [François Marie Arouet].

Il est vrai que j'ai eu du chagrin pour ma colonie de Cayenne; des sots, des fripons, et pis que tout cela des ignorants qui croyaient en savoir beaucoup, m'ont entraîné dans de fausses démarches; je suis corrigé, ce n'est pas une matière aisée à traiter que celle de colonies; j'apprends tous les jours que je suis plus ignorant que je ne croyais la veille; à force d'application j'arriverai au bien, à ce que j'espère, sans en retirer aucun honneur, car je sais que le bien n'en fait pas et que le mal produit beaucoup de critique.

L'histoire du canton de Schvitz fait plus d'honneur à ce canton qu'il ne mérite; nous n'avions d'eux que 76 hommes à notre service; ils reviennent tous successivement, le canton reviendra aussi, et, s'il ne revient pas, nous aurons ses hommes et il n'aura pas nos pensions.

Les bruits qui ont couru doivent courir parce que l'envie doit parler; ils n'avaient aucun fondement réel; mais je suis moi même de la cabale, car, de bonne foi, ce qui serait le plus heureux pour moi serait de n'avoir de chaîne que celles de la reconnaissance.

M. de Villette a de l'esprit, mais cet esprit est renfermé dans une mauvaise tête; si cependant il avait un bon cœur, il n'y aurait rien de perdu. Je ne le connais pas; il est entièrement à la disposition de son père, et je donnerai volontiers mon consentement à tout ce que son pèred emandera pour lui.

Vivez heureux, tranquille, ma chère marmotte, ne vous embarrassez ni des jésuites, ni des parlements, ni des hypocrites, ni des encyclopédistes, ni des philosophes, ni des persécuteurs; vivez pour vous, pour votre gloire, pour votre agrément et pour vos amis; voilà la vraie philosophie que je vous souhaite.