Extrait de la lettre de Luc du 1er janvier;
arrivée à Ferney le 19 à cause des détours‘. . . .détrompé dès longtemps des charlataneries qui séduisent les hommes, je range le téologien, l'astrologue, l'adepte, et le médecin dans la même catégorie. J'ay des infirmitez et des maladies. Je me guéris moy même par le régime et par la patience. . . . Dès que je suis malade je me mets à un régime rigoureux; et jusqu'icy je m'en suis bien trouvé. . . . Quoyque je ne jouisse pas d'une santé bien ferme, cependant je vis, et je ne suis pas du sentiment que notre existence vaille qu'on se donne la peine de la prolonger. . . . .’
Voilà les propres mots qui font soupçonner à mon avis, qu'on n'a ny santé ny guaité.
Mon divin ange j'ay encor moins de santé mais je suis aussi gay qu'homme de ma sorte. Je n'ay actuellement que la moitié d'un œil et vous voyez que j'écris très lisiblement. Je soupçonne avec vous que le tiran du tripot a contre vous quelque rancune qui n'est pas du tripot. N'y a t-il pas un fou de Bourdeaux nommé Vergi qui aurait pu vous faire quelque tracasserie? Ce monde est hérissé d'anicroches. Jean Jaques Rousseau est aussi fou que les Deon et les Vergi; mais il est plus dangereux.
Voulez vous bien mon divin ange présenter à Monsieur Le duc de Pralin mes tendres et respectueux remerciments du passeport qu'il veut bien accorder au vieux Moultou et à sa famille pour aller montrer sa vessie à Montpellier? Je me flatte que mon autre ange madame Dargental tousse moins.
N. b. Vous serez peutêtre surpris que Luc m'écrive toujours. J'ay trois ou quatre rois que je mitonne, comme je suis fort jeune il est bon d'avoir des amis solides pour le reste de la vie.
Divins anges ces quatre rois là ne valent pas une plume de vos ailes.
V.
à Ferney 24 janvier [1765]