6e Janv: 1765, à Ferney
Je mourrai donc probablement sans vous revoir, mon cher Président, car je suis bientôt entièrement aveugle, et je ne jouirai plus guères de la belle vue du lac de Genêve, et du magnifique et horrible tableau de la perspective des Alpes.
Le pis est que je suis privé des séances de vôtre académie.
Je n'avais vu qu'un moment Made De La Marche dans ma retraitte. Ceux qui ont des yeux disent qu'elle était très jolie, et on ajoute que son caractère était charmant. La mort se plait à fraper de belles vctimes; peut être serait elle encor en vie si elle était restée auprès du grand Tronchin qui a la réputation de prolonger les jours des jolies femmes. Sa perte doit être bien sensible à Mr le premier Président De la Marche, et à son beaupère qui a le cœur tendre. Je vous prie de ne me pas oublier quand vous lui écrirez. L'état où je suis ne me permet guères de l'importuner de mes lettres. Si j'avais eu de la santé je serais certainement venu vous voir, et j'aurais passé quelques jours à la Marche; plus il avancera en âge, plus il aimera la retraitte. Je me souviens de quatre vers à ce propos,
Celà ne veut pas dire que je suis sage, je ne le suis qu'en préférant vôtre société à toutes les retraittes du monde. Conservez moi vos bontez, et comptez que je vous serai tendrement attaché tout le peu de temps que j'ai à vivre.
V. t. h. ob. str
V.