Comme on se flatte toujours, Monsieur, j'espère manger de vos navets.
Je les fais planter dans une terre aussi sèche que le devient mon imagination. La maladie détruit toutes les facultés à mon âge; et je vous réponds bien que je ne ferai plus de Tragédie en six jours.
Je vous remercie bien sincèrement de vos graines, et de vos règlements académiques. Que n'ai-je la force de faire le voyage! que ne puis-je assister à vos séances avec le président fétiche! Il est vrai qu'il ne serait pas mon fétiche, mais il pourait bien être mon serpent, et surtout serpent gardien des trésors. Je crois pourtant nôtre noise appaisée. Je voudrais en pouvoir dire autant des Etats et du parlement.
Pouriez vous avoir la bonté, mon cher Monsieur, le mémoire du Parlement, et celui pour le quel vôtre pauvre parent est en pénitence? Je le trouve bien bon de n'avoir pas voyagé, et de s'être laissé embastiller; il me semble qu'il a pris là un bien mauvais parti. Tout ce qui se passe dans ce monde me fait bénir ma retraitte; elle serait plus heureuse si je pouvais vous y posséder. L'Etat où je suis ne me permettra pas vraissemblablement la consolation de vous voir à la Marche.
Tenez, voilà une gazette de Londre, vous pouvez la montrer, et même à l'abbé de Cîteaux, pourvu que vous ne disiez point de qui vous la tenez, de peur que je ne sois èxcommunié, et que je meure déconfès.
Je vous embrasse tendrement, et vous regrette toujours.
V.
26e May 1762, aux Délices