1764-11-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Eugene von Württemberg, duke of Württemberg.

Monseigneur,

Quoique je présume que vôtre Altesse Sérénissime m'accorde liberté de conscience, ce n'est pourtant pas d'affaires spirituelles que j'aurai l'honneur de l'entretenir, mais bien de temporelles. Prêt à passer un contract avec Monseigneur le Duc vôtre frère, je crois qu'il est de mon devoir de vous soumettre mes intentions et mes intérêts. Ces intérêts sont principalement ceux de ma nièce qui a tout quitté pour me suivre dans mes retraittes. J'établis quelques rentes sur sa tête et sur celle d'une autre nièce.

Ces rentes sont principalement hippotéquées sur les domaines de Montbelliard, de Franche-Comté et d'Alzace. Je crois que ces terres sont substituées à V. A. S. suivant l'ancien règlement de vôtre illustre maison. Je sais encor mieux quelle serait vôtre générosité dans le cas où le Duché vous appartiendrait. Aussi, je ne demande que vôtre agrément et vôtre approbation qui me tiendront lieu de tout. Mon sincère attachement à V. A. S. et vos bontés autorisent ma démarche. Une fluxion sur les yeux, qui m'ôte presque entièrement la vue, m'empêche d'écrire de ma main. Le secret de vôtre bonté pour moi n'en sera pas moins scrupuleusement gardé.

Agréez avec vôtre bienveillance ordinaire le respect avec lequel j'ai l'honneur d'être

Monseigneur
de Vôtre Altesse Sérénissime
Le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire