7 sept^b [1764]

Mes divins anges, je vous crois àprésent bien établis dans votre nouvelle maison.
Vous vous êtes raprochez de M. le duc de Pralin et vous avez très bien fait. J'ay montré vite votre dernière lettre au petit défroqué. Elle ne l'a point effrayé. C'est un ingénu personage. Je m'étais toujours défié, m'a t'il dit, de cette Julie qu'on envoiait réciter son office dans sa chambre, et de ce Pompée qui se disait soldat, et de bien d'autres choses sur les quelles cependant je mais faisais illusion. J'étais si rempli de la prétendue beauté de quelques situations et de quelques caractères, que j'étouffais mes remords sur le reste.

Il m'assure que Pompée ne sera plus soldat. Il voit bien que ce changement en exige d'autres et qu'il faut raccomoder le bâtiment de manière que l'architecture ne soit point gâtée. Cela demande un peu de soins. Il est prest de s'y livrer. Il dit que la destinée de son pauvre drame est de voiager. Il supplie mes anges de le luy renvoier. Il veut en venir à votre honneur et au sien. Il proteste qu'il n'omettra rien pour gagner en dernier ressort ce procez qu'il a perdu en première instance. Il aime à plaider quand vous prenez en main sa cause. Il n'en démordra pas. Je connais sa tête.

Mes anges il me paraît que ma Catherine fournit de grands sujets de tragédie. Un faiseur de drames aurait beaucoup à aprendre chez Catherine et chez Féderic. Mais je ne veux pas croire tout ce qu'on dit.

Quelque chose qui se passe dans le nord, renvoyez nous nos rouez du midy. Notre jeune homme vous en renverra d'autres. C'est sa consolation.

Il est venu quatrevingt personnes dans sa chaumière avec m^rr les ducs de Rendan, de la Trimouille, non pas le la Trimouille de Dorothée etc. etc. Mad^e Denis leur a joué Mérope, leur a donné une fête; et moy je me suis mis au lit.

Vous ne m'avez pas seulement parlé du décez de M^r Dargenson mon contemporain. Vous ne vous souvenez pas que nous l'appellions la chèvre? Vous ne vous souvenez de rien. Vous ne me parlez jamais de rien, pas même du prince Ivan. Cependant je baise le bout de vos ailes.

V.