29 may 1764 au château de Ferney en Bourgogne route de Geneve
Permettez Monseigr qu'un gentilhome s'adresse à vous pour une chose qui vous regarde et qui me touche.
Affligé depuis quatre ans d'une maladie incurable j'ay été receuilli dans un château de Mr de Voltaire sur les confins de la Bourgogne. Il me tient lieu de père ainsi qu'à la nièce du grand Corneille. Je luy dois tout. Vous m'avouerez que j'ay dû être surpris et blessé quand on m'a dit que vous aviez traitté dans un mandement mon bienfaicteur d'autheur mercénaire et d'homme dont les sentiments erronez avaient disposé la nation à chasser les jesuites. Quand à l'épitète de mercenaire daignez vous informer de votre neveu mr de Billat s'il luy a prêté de l'argent en mercenaire et quant aux jesuites informez vous aussi s'il n'a pas reçu et s'il n'entretient pas chez luy le père Adam, jesuite qui a professé vingt ans la rétorique à Dijon. Informez vous si dans ses terres il n'a pas mis tous les paysans à leur aise par ses bienfaits. Quand vous serez instruit je m'assure que vous saurez un peu de mauvais gré à celuy qui vous a donné de si faux mémoires et qui a si indignement abusé de votre nom. La relligion, et la probité vous engageront sans doute à réparer sa faute, et vous sentirez quelque repentir d'avoir outragé ainsi sans aucun prétexte une famille qui sert le roy dans les armées et dans les parlements. J'attendrai l'honneur de votre réponse un mois entier.
J'ay l'honneur d'être dans cette espérance
monseigneur
V.