Vraiment, Monsieur, je ne sçavais pas qu'à l'heure de midy etca on eût laissé 27 volumes au public etca.
Les hommes sont bien sots, bien fous, et quelquefois bien fripons. L'erreur que vous avez découverte mérite d'être relevée, et vous pourez aisément en parler dans la belle histoire des premiers siècles que vous préparez. Le passage d'Athenagoras prouve formellement que les Empereurs romains n'avaient point été persécuteurs. Les vrais persécuteurs ont été chez nous. Il fallait que les premiers chrétiens donnassent une bien mauvaise idée d'eux, pour qu'on les accusât d'être antropophages. Pour moi, je vous avoue que j'aimerais mieux qu'ils eussent mangé autrefois un ou deux petits garçons, que de faire brûler tant d'innocents, et de se rendre coupables des massacres des albigeois, de Merindol et de Carbrières, de la st Barthelemi, et de tant d'autres horreurs. Cette abomination nous est particulière. Il faut que nôtre religion soit bien vraie, puisqu'on n'a jamais craint de lui nuire en la prêchant ainsi.
Mettez-moi, Monsieur, je vous en conjure, aux pieds de made la Duchesse D'Anville; je lui suis respectueusement attaché pour le reste de ma vie. Je n'avais pas imaginé que ces rogatons dont vous me parlez pussent l'amuser; mais puisqu'elle daigne descendre à ces bagatelles, on aura l'honneur de lui en envoier.
Adieu, Monsieur, je regarde comme la consolation de ma vie, l'amitié d'un philosophe tel que vous, comptez de ma part sur un attachement égal à ma respectueuse estime.
V.
2e Mars 1764