1764-02-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Robert.

Je vous remercie, Monsieur, et je vous félicite de vôtre plan d'étude.
Il semble qu'autrefois les collèges n'étaient institués que pour faire des grimauds, vous ferez des gens de mérite. On n'apprenait que ce qu'il fallait oublier, et par vôtre méthode on apprendra ce qu'il faudra retenir le reste de sa vie. La vraie philosophie prendra la place des sophismes ridicules, et la phisique n'en sera que meilleure en s'appuiant sur les expériences et sur les matématiques plus que sur les sistèmes. Neuton a calculé le pouvoir de la gravitation, mais il n'a pas prétendu deviner ce que c'est que ce pouvoir; Descartes devinait tout, aussi n'a t-il rien prouvé. Loke s'est contenté de montrer la marche et les bornes de l'entendement humain, malheur à ceux qui voudraient aller plus loin.

Vôtre plan, Monsieur, est un service rendu à la patrie. Il faut espérer que les Français feront enfin de bonnes études, et qu'on y connaîtra même le droit public qui n'y a jamais été enseigné. Je souhaitte que tous ces nouveaux secours forment de nouveaux génies. Je suis prêt de finir ma carrière, mais je me consolerai par l'espérance que la génération nouvelle vaudra mieux que celle que j'ai vue.

J'ai l'honneur d'être avec toute l'estime que je vous dois, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire gentilhome ord. du roy