1769-04-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à abbé — Regley.

Je vous dois, monsieur, les plus grands remerciements de l'honneur que vous m'avez fait de m'envoyer votre livre dans lequel il y a beaucoup à s'instruire, et qui me paraît un monument précieux d'un esprit philosophique, et d'une persévérance infatigable à découvrir la vérité.
Vous avez raison de vous y prendre de bonne heure. Vous savez que la vie est courte, l'art très long, et l'expérience incertaine . . . . Je ne doute pas que vous ne regardiez tous les systèmes avec défiance, à commencer par la matière subtile de Descartes, et à finir par les monades, et par tout ce qui ressemble à ces romans dont on nous accable. C'est le soleil et la lune qui ont dit à la mer, tu iras jusqu'ici, et pas plus loin, et c'est dieu qui en a dit autant à Neuton et à Loke, les deux seuls philosophes qui aient véritablement instruit le monde.

J'ai l'honneur d'être avec reconnaissance et toute l'estime que vous méritez, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire