1764-02-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Voicy deux Olimpies rentrayées, je les mets sous les aîles de mes anges.
L'une sera pour madlle Clairon, l'autre pour Le Kain. Les changements ne regardent qu'eux, et il n'y a qu'un vers de changé pour le grand prêtre. J'ai cherché principalement à rendre le Dialogue plus animé et plus intéressant, c'est celà seul qui fait le succez des pièces tragiques; quand on intéresse on a toujours raison.

Je joins à ce paquet un petit résumé, que je fis il y a quelque temps, de tous les motifs qui m'ont déterminé à ne point faire mourir Statira au 5e acte. J'ai ce changement en horreur, et on ne fait que des sottises quand on travaille en contredisant son goût; l'éloquence n'appartient qu'aux persuadés.

Mais encor une fois, pourquoi avoir abandonné la conspiration? Vous êtiez de si braves conjurés, vous avez molli, je vois bien que ni Mr le Duc de Praslin, ni vous, n'avez pas l'âme assez noire.

Je ne savais pas qu'il y eût un Crequi qui fût philosophe et si plaisant; il n'y a rien de comparable à son exploit, j'en enverrai un tout pareil à mon curé pourvu qu'il ne me vôle pas mes dixmes.

Cette Lettre fut commencée il y a environ quinze jours. On s'est tué depuis ce temps là à chercher des moiens d'accommoder l'affaire d'Olimpie. On s'est aperçu que plus on y travaillait, plus on gâtait l'ouvrage. On a reconnu l'inutilité de ces éfforts et on envoie humblement ce qu'on peut. On y joint un petit mémoire de justification, qui, s'il ne prouve pas qu'on a raison, prouvera du moins qu'on est stérile.

J'apprends que la gazette Littéraire a gagné son procez. J'ignore toujours ce qu'est devenu un paquet adressé pour moi à Mr le Duc De Praslin, par mr De Guerchi ou par mr Déon, dans le temps que j'avais encor des yeux, et que je pouvais servir.

Je crois que c'est aujourd'hui que Mr le duc De Praslin a daigné raporter nôtre cause contre le Concile de Latran; je me mets toujours à l'ombre de ses ailes, et de celles de mes anges.