1763-11-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marc Antoine Jean Baptiste Bordeaux de Belmont.

Voilà, Monsieur, tout ce qu'un pauvre malade peut faire pour vous. Vous voulez absolument de mauvais vers, en voicy. Si la rime n'y est pas, vous y trouverez dumoins la raison; ils sont l'éloge du gouverneur à qui vous voulez plaire, de la ville dont vous ambitionez les suffrages, et des beaux arts que vous faittes goûter à Bordeaux. Tous ces objets réunis, ont triomphé de ma répugnance pour les prologues, et de l'état de langueur où je suis.

J'ai l'honneur d'être, Monsieur, vôtre très humble et très obéïssant serviteur, de tout mon cœur.

Voltaire

Nous osons retracer cette fête éclatante
Que donna dans Versailles au plus aimé des Rois
Le héros qui le représente,
Et qui nous fait chérir ses loix.
Ses mains en d'autres lieux ont porté la victoire,
Il porte icy le goût, les beaux arts et les jeux,
Et c'est une nouvelle gloire.
Mars fait des conquérants, les arts font des heureux.
Des Grecs et des Romains les spectacles pompeux,
De l'univers encor occupent la mémoire;
Aussi bien que leurs camps, leurs cirques sont fameux.
Melpomène, Talie, Euterpe et Terpsicore
Ont enchanté les Grecs, et savent plaire encore
A nos Français polis et qui pensent comme eux.
La guerre défend la patrie,
Le commerce peut l'enrichir;
Les loix font son repos, les arts la font fleurir;
La valeur, les talents, les travaux, l'industrie,
Tout brille parmi vous. Que vos heureux ramparts
Soient le temple éternel de la paix et des arts.