1763-08-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste Pigalle.

Il y a longtemps, monsieur, que j'ai admiré vos chefs-d'œuvre, qui décorent un palais du roi de Prusse, et qui devraient embellir la France.
La statue dont vous ornez la ville de Reims me paraît digne de vous; mais je peux vous assurer qu'il vous est beaucoup plus aisé de faire un beau monument qu'à moi de faire une inscription. La langue française n'entend rien au style lapidaire. Je voudrais dire à la fois quelque chose de flatteur pour le roi et pour la ville de Reims; je voudrais que cette inscription ne contînt que deux vers; je voudrais que ces deux vers plussent au roi et aux Champenois; je désespère d'en venir à bout.

Voyez si vous serez content de ceux-ci:

Peuple fidèle et juste, et digne d'un tel maître,
L'un par l'autre chéri, vous méritez de l'être.

Il me paraît que, du moins, ni le roi ni les Rémois ne doivent se fâcher. Si vous trouvez quelque meilleure inscription, employez la. Je ne suis jaloux de rien; mais je disputerai à tout le monde le plaisir de sentir tout ce que vous valez.

J'ai l'honneur d'être, avec tous les sentiments que vous méritez, etc.

Voltaire