Aux Délices, 31 mai 1763.
J'ai tardé longtemps à vous répondre, monsieur, et à vous remercier; mais je n'ai pas toujours des yeux: ils sont, comme l'imagination, sujets à la faiblesse et à l'inégalité.
Je suis alternativement aveugle, borgne, et voyant: voilà ce que me vaut le climat des Alpes. Je veux lire vos ouvrages au plus vite, à présent que je suis dans l'intermittence de mes fluxions. J'ai déjà entrevu des beautés qui me donnent plus d'envie que jamais de n'être point aveugle.
J'ai cru découvrir des idées neuves dans vos réflexions sur les premiers temps de l'histoire romaine. Dès que le livre sera revenu de Genève, où je le fais relier dans le goût de ma petite bibliothèque (car je n'en ai pas une si belle que celle du marquisat de Pompignan), je lirai vos trois tomes avec le plaisir que tous vos ouvrages doivent donner: celui de les tenir de vous m'est bien plus précieux. Pardonnez à ma faible vue si je n'entre pas dans de plus longs détails, et comptez, monsieur, sur tous les sentiments, etc.