au château de Ferney 22e fév: 1763
Ne jugez point, Monsieur, de nôtre petit païs par le vôtre, ni de nôtre âge d'or par vôtre siècle de fer. Nous n'avons ni marguiller, ni œuvre, ni communauté qui se mêle de nôtre paroisse. Le seigneur fait toutes les dépenses, le peuple ne se mêle de rien, que de brailler de mauvais latin qu'il n'entend pas. Nous avons fait nôtre accord avec le curé. Sans aucune discussion, tout est dans les plus grandes règles selon nos usages. Nous sommes de bons Suisses à qui il ne faut pas tant de cérémonies. Nous croions que les Lettres patentes du conseil les plus courtes, sont les meilleures. Nous ne demandons même ces Lettres patentes que par une précaution surabondante. Quand vous aurez fini l'affaire des Calas, rendez moi, je vous prie, ce petit service. Je suis sûr que cette affaire des Calas vous fera infiniment d'honneur. Il est bien triste qu'on soit réduit à craindre la falsification des procédures. Celà est aussi humiliant pour les huit juges de Toulouse, que leur arrêt est abominable. On ne pourait que plaindre la France, si on laissait subsister un pareil arrêt.
J'ai l'honneur d'être, Monsieur, avec bien de l'estime et de l'attachement, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire