1763-01-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Philippe Debrus.

Il faut calmer les allarmes de made Calas.
L'article de la procession abominable dans la quelle on se vante à Dieu tous les ans, d'avoir égorgé il y a deux siècles quatre mille de ses concitoyens, est une chose qu'il faudroit graver en lettres d'or à toutes les portes des églises de Toulouse.

Cet article peut déplaire aux Bedeaux et aux moines, et même aux marchands de cire qui vendent des cierges pour cette procession: mais tous les honnêtes gens de Paris en sont très contens. Cette procession doit révolter l'esprit des Juges. Il est d'ailleurs très essentiel à la cause de faire voir l'excès du fanatisme qui règne dans la ville des Jeux floreaux et de montrer que c'est ce fanatisme qui s'est emparé de la tête des huit Juges qui ont rendu cet arrêt infernal.

Made Calas doit s'appercevoir qu'on ne pense point du tout dans la capitale de la France comme dans celle des Visigoths.

Louis ne sçait ce qu'il dit, il peut aller à la procession tant qu'il voudra, mais J'espère que cette cérémonie d'Iroquois ne subsistera pas encor longtems.

On peut envoyer à made Calas ce petit Billet d'édification qui est d'un bon catholique Romain.