29ea janvier 1763
Vraiment mes anges, j'avais oublié de vous supplier d'empêcher François Corneille père, de venir à la noce.
Si c'était l'oncle Pierre, ou même l'oncle Thomas, je le prierais en grande cérémonie, mais pour François, il n'y a pas moyen. Il est singulier qu'un père soit un trouble fête dans une noce; mais la chose est ainsi, comme vous savez. On prétend que la première chose que fera le père, dès qu'il aura reçu quelque argent, ce sera de venir vite à Ferney. Dieu nous en préserve! Nous nous jetons aux ailes de nos anges, pour qu'ils l'empêchent d'être de la noce. Sa personne, ses propos, son emploi, ne réussiraient pas auprès de la famille dans laquelle entre madelle Corneille. M. le duc de Villars et les autres Français qui seront de la cérémonie, feraient quelques mauvaises plaisanteries. Si je ne consultais que moi, je n'aurais assurément aucune répugnance; mais tout le monde n'est pas aussi philosophe que votre serviteur, et patriarcalement parlant, je serais fort aise de rendre le père et la mère témoins du bonheur de leur fille.
C'est bien de la faute du père de mr de Colmont, si un autre que lui épouse madelle Corneille. Il a été un mois sans lui répondre, et enfin sa mère a écrit à m. Micaut quand il n'était plus temps. Il faut avouer aussi que ce Colmont s'est conduit de la manière la plus gauche; enfin, il n'était point aimé, et notre petit Dupuis l'est; il n'y a pas à répondre à cela.
Je ne cesse d'importuner mes anges, et de leur demander pardon de mes importunités; c'est ma destinée, mais que m. Dargental me parle donc de ses yeux; car comme je suis en train de perdre les miens, je voudrais savoir en quel état les siens se trouvent. Il ne m'en dit jamais mot; cela vaut pourtant la peine qu'on en parle.
Est il vrai que m. de Courteille est assez mal? J'en serais bien fâché. Made Denis, melle Corneille et moi nous baisons vos ailes.
V.