1762-12-25, de Paul Claude Moultou à Voltaire [François Marie Arouet].

Je viens de lire Mr le mémoire de Loyseau, il m'a mis hors de moy.
Cet home semble animé de vôtre esprit, & agité par vôtre puissant génie. Je croiais prèsque lire une de vos Tragédies. Ouï Mr c'est le moment de frapper de grands coups; Je n'en puis douter après l'impression que m'a fait cette lecture. Mais ces coups vous pouvez seul les porter & je m'obstine à penser que celui là seul peut fère une révolution dans le gouvernement qui en a fait une si prompte & si sonante dans les esprits. Ce n'est donc pas assez d'avoir attaqué le fanatisme & l'intolérance, il faut les proscrire après nous avoir appris à ne plus nou haïr, aprenés-nous à nous aimer, & qui sçait mieux que vous parler à nos cœurs.

Il me tarde de m'entretenir avec vous de ces grands objets, vos conversations élèvent mon âme, vous luy comuniqués cette précieuse chaleur de l'humanité qui fait la vie de la vôtre. Dites moy de quel jour je pourrai vous voir à Fernex sans vous être importun. Si j'étais fanatique Mr ce ne serait pas sans un violent effort que je pourrais vous haïr. Je suis home, jugés si je vous respecte & si je vous aime.