Au Château de Ferney 10e Xbre [1762]
Il serait à souhaitter que mr le Duc de Bedfort, qui a cinq cent mille Livres de rente, protégeât nôtre pauvre veuve, autrement que par des paroles.
Il est toujours bon qu'il joigne sa voix à celle du public, mais on doit être très sûr que son suffrage n'influera en rien sur les juges. Croyez moi, tout dépend du raporteur. J'ose être sûr de lui, voilà le point éssentiel; la commission qui jugera, est composée de juges éclairés et intègres, qui ne craignent point du tout de déplaire aux parlements, et qui rendront la justice la plus éxacte, telle que le public la désire. Ce point une fois gagné, j'ose espérer une réparation autentique, et des grâces de la cour pour cette famille infortunée.
Je répéterai cent fois, qu'il faut que made Calas ait l'esprit tranquile. Il est très indiférent qu'on mette, ou qu'on ne mette pas des Cartons au mémoire de Mr de Beaumont; les bagatelles qu'il s'agit de réformer, ne touchent prèsque en rien le fond du procez. Il est pourtant bon que ces mémoires n'arrivent à Toulouse qu'avec des cartons, uniquement pour ne point donner prise à des chicanes.
Je suis affligé de ne plus entendre parler du voyage de mr de Las Salles; c'est là ce qui ferait un terrible éffet. Dieu veuille le maintenir dans ses bonnes intentions!
La bonne servante viendra t'elle? Je brûle d'envie de l'interroger dans le patois de Goudouly.
Je me console fort des délais que nous éssuions, les juges en seront mieux instruits, et on aura plus de temps pour éclairer leur justice, et pour éxciter leur zèle. Il faut principalement s'adresser aux gens de robe dans cette affaire. Les femmes et les ambassadeurs serviront auprès du public, et les gens de robe seuls serviront auprès des juges.
J'embrasse tendrement monsieur De Bruce et ses amis.