samedi 30 8bre [1762]
… Voltaire est actuelement ocupé et tourmenté d'une tracasserie qu'on lui a faite; il a couru des copies d'une lettre qu'il écrivit il y a quelques mois à M. Dalembert sur l'affaire des Calas; on a brodé ces copies et on y a ajouté des invectives contre le roi et les ministres, quoi que la broderie soit très plate et fort grossière on l'a prise pour bonne à Versailles.
On lui en a fait des reproches, il a écrit lettres sur lettres à Mr Dalembert, qui lui a envoyé l'original même de la lettre, afin qu'il pût dire aux juges de Versailles, lisés, comparés et jugés; M. Dalembert est aussi calme sur cette avanture que Voltaire en est agité. Il est bien singulier d'avoir autant de peur quand on ne doit rien craindre et qu'on ne demande rien. C'est que Voltaire est le plus grand esprit et le plus petit des philosophe. Ce peut être tant pis pour lui, mais assurément ç'a bien été tant mieux pour nous; si vous restés plus long tems dans votre Limousin je ne saurois croire que ce soit tant mieux pour vous et à coup sûr ce sera tant pis pour vos amis de Paris qui s'ennuient fort d'une aussi longue absence.
Je rabâche, car j'ose encore vous prier de ne pas oublier l'affaire de M. de St Chamans. Il me semble que cela regarde M. son frère qui est chevalier de Malthe. Je pourois bien ne savoir ce que je dis, je sens que cela est présentement brouillé dans ma tête. Je que je sais netement c'est que M. de st Chamans vous a donné un mémoire sur cette affaire.