1762-08-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Pinot Duclos.

Je prie l'académie de considérer que je n'ai pu employer d'autre méthode que celle de lui envoyer les premières idées des commentaires sur Corneille afin qu'elle eût la bonté de les rectifier.
Je les travaille avec soin quand elle a eu la bonté de me les renvoyer.

Il arrive quelquefois que dans les ébauches que je lui soumets, je m'exprime trop naïvement parce que alors il ne s'agit que de chercher la vérité et non de ménager les convenances. Je ne donne pas aussi toute l'étendue à mes remarques bien sûr que l'académie m'entendra.

Je découvre souvent à la révision une centaine de vers dont j'avais négligé l'examen. Les fautes sont innombrables dans les pièces qui suivent Polieucte. Le travail est souvent désagréable et ingrat. Cependant je suis beaucoup plus prodigue d'éloges que de critiques et on s'en convaincra aisément si l'on veut bien jeter les yeux sur les remarques pages 318 et 319.

J'ajoute à cet envoi la traduction exacte de la conspiration de Brutus et de Cassius, ou de la mort de César que les Anglais préfèrent à Cinna. Je mets en parallèle cette pièce de Shakespeare et celle de Corneille. On sera peut-être étonné et je crois que les nations verront qu'il y a quelque différence entre le théâtre français et le théâtre anglais.

J'espère que l'académie & le public ne me sauront pas mauvais gré d'avoir exposé ces deux pièces de comparaison.

Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien communiquer à l'académie ces petites réflexions et de me dire ce qu'elle pense de cette entreprise. Vous obligerez votre &a.