5e juin 1762
Mes divins anges, je suis à vos pieds, et j'y mets messieurs de la poste.
Je vous dois quinze francs pour leur insolence, permettez moi celle de vous les payer; mais permettez moi une autre insolence. Nous supplions mad. Dargental de vouloir bien nous envoyer la sœur de la cuvette charmante qu'elle avait eu la bonté d'ordonner avec tant de goût.
Je suis aussi honteux que pénétré de toutes vos bontés. Je vous remercie de celles de mr le comte de Choiseul.
Mr Duclos me mande qu'on a rendu les annonces des Cramers si ridiculement saisies. Mes commentaires sont très sévères, et doivent l'être, parce qu'il faut qu'ils soient utiles. Mais après avoir critiqué en détail, je prodigue les éloges en gros, j'encense Corneille en général, et je dis la vérité à chaque ligne de l'examen de ses pièces.
Je donne au public beaucoup plus que je n'avais promis, vous aurez bientôt le Jules César de Shakespear traduit en vers blancs, imprimé à la suite de Cinna, et la comparaison de la conspiration contre César, avec celle contre Auguste, vous verrez si je loue Corneille; et Shakespear vous fera bien rire.
La Place n'a pas traduit un mot de Shakespear.
Vous aurez aussi la traduction de l'Héraclius de Caldéron, et vous rirez bien davantage. Que les Français ne sont ils dans la tactique ce qu'ils sont dans le dramatique!
Tronchin ne sait ce qu'il dit. Le lait d'ânesse m'a fait mal; j'ai eu le malheur de travailler; mais il est trop affreux de ne rien faire.
Je ne manquerai pas de suivre les ordres que vous me donnez pour mr de Courteilles.
J'apprends dans l'instant, qu'on vient d'enfermer dans des couvents séparés, le veuve Calas et ses deux filles. La famille entière des Callas serait elle coupable, comme on l'assure, d'un parricide horrible? Mr de St Florentin est entièrement au fait; je vous demande à genoux de vous en informer, parlez en à mr le comte de Choiseul; il est très aisé de savoir de mr de St Florentin la vérité; et à mon avis, cette vérité importe au genre humain.
La poste part. Je vous adore.