1761-09-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Joseph Thoulier d'Olivet.

Je vous envoye, mon très cher maître, ma Lettre du 20e august, à la quelle j'ai ajouté des détails nécessaires, qui tiendront lieu d'un programme, que je n'aime point.
Envoyez moi quatre lignes en réponse, et faites imprimer le tout par le moyen de frère Thiriot.

Je vous réïtère ce que j'ai déjà mandé à nôtre secrétaire perpétuel, que je vous envoye mes ébauches, et que je travaillerai à tête reposée sur les observations que l'académie veut bien mettre en marge. Je donne quelquefois des coups de pieds dans le ventre à Corneille, l'encensoir à la main, mais je serai plus poli.

Vous souvenez vous de Cinna? C'est le chef d'œuvre de l'esprit humain, mais je persiste toujours, non seulement à croire, mais à sentir vivement qu'il fallait que Cinna eût des remords, immédiatement après la belle délibération d'Auguste. J'étais indigné, dès l'âge de vingt ans, de voir Cinna confier à Maxime qu'il avait conseillé à Auguste de retenir l'Empire pour avoir une raison de plus de l'assassiner. Non, il n'est pas dans le cœur humain qu'on ait des remords après s'être affermi dans cette horrible hipocrisie. Non, vous dis-je, je ne puis approuver que Cinna soit à la fois infâme et en contradiction avec lui-même. Qu'en pense mr Duclos? Moi je dis tout ce que je pense, sauf à me coriger. Vale.

V.