aux Délices près de Geneve 2 juillet 1762
Monsieur,
Je ne doute pas que mr Tronchin ne vous envoye un exemplaire des pièces cy jointes.
Mais je satisfais à mon devoir et aux mouvements de mon cœur en prenant avec vous cette liberté.
Il s'agit d'une affaire qui étonne l'Europe et qui l'indigne. Il s'agit d'obtenir justice pour la famille la plus infortunée, et pour une mère qui renonce à son bien, qui fait deux cent lieues pour venir demander la mort ou la justification de son mari. L'innocence de cette famille me parait démontrée. Si les pièces cy jointes monsieur vous persuadent et vous touchent j'ose vous conjurer d'en parler ou d'en écrire à Monsieur le chancelier avec cette bonté et cette force dont vous apuiez la justice. Plus de cent mille hommes vous en auront obligation.
Je prends rarement la liberté de vous écrire. Je suis un vieillard hors de combat: mais mon cœur ne vous en est pas moins attaché.
Je suis avec le plus profond respect
Monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire