7 juin [1762]

Mes divins anges, vous ne me disiez pas que Monsieur le chevalier de Solare négociait la paix avec l'Angleterre.
Cela est si intéressant pour mille particuliers menacez d'une ruine entière que vous pardonerez à moy particulier, que vous me pardonerez de vous parler de mes espérances et de ma joye.

J'ay eu la hardiesse d'écrire à m^rs des postes. Je leur ay remontré qu'ils m'avaient permis d'envoier des paquets à l'académie par telle voye, et sous telle enveloppe qu'il me plairait. Je leur demande compte de ce qui vous en a coûté. Cette vexation me tient au cœur.

M. le comte de Choiseuil ne sera t'il point curieux de savoir de m^r de Saint Florentin la vérité touchant l'horrible avanture des Calas, supposé que M. de S^t Florentin en soit instruit? Peutêtre ne sait il autre chose sinon qu'il a signé des lettres de cachet?

On croit à Paris que c'est une bagatelle de rouer un père de famille, et de tenir tous les enfants dans les prisons d'un couvent sans forme de procez. On ne sait pas quel effet cela produit dans l'Europe.

Permettez vous que m^elle Corneille prenne la liberté de vous adresser cette lettre? M^r le comte de la Tour du Pin a pris l'occasion de la mort de son père pour écrire enfin à m^elle Corneille conjointement avec l'abbé de la Tour du Pin. Ils la félicitent, ils l'approuvent d'être chez moy, ils me remercient, ils luy témoignent beaucoup d'amitié. Elle leur répond comme elle le doit mais elle ne sait point la demeure de M. de la Tour du Pin. On s'adresse à mes anges dans tous ses embarras.

La petite poste est d'une commodité extrême pour ces envois.

Je vous demande pardon des extrêmes libertez que nous prenons.

Il est clair qu'on n'a pas voulu soufrir à la tête des hôpitaux des hommes vertueux. M^r de Fontanieu veut donc qu'on pille les vivants, les mourants et les morts.

Le Kain nous a enfin écrit, et j'ay répondu.

On me paraît très irrité contre Jean Jaques au sujet de son roman d'éducation que je n'ay point lu.

Mille tendres respects.