17e avril 1762, à Ferney
J'ai cru, Monsieur, que vous ne seriez pas fâché, d'apprendre que Mlle Corneille vient de jouer vôtre rolle de Julie avec un applaudissement unanime.
Vous n'aurez jamais d'actrice d'un si beau nom. Je ne peux lui donner une meilleure éducation qu'en lui faisant connaître le monde comme vous l'avez peint.
Votre pièce, d'ailleurs, a été très bien jouée, et Le Kain qui était au nombre des spectateurs en a été extrèmement content.
Je vous prie de dire à Mr Duclos que j'ai cessé l'envoy des commentaires sur Corneille, parce que je me suis remis à l'Espagnol. J'ai voulu donner une traduction de L'Héraclius de Calderon; elle est d'un bizarre, d'un sauvage, d'un comique, et en certains endroits d'un sublime qui méritent d'être connu. C'est la nature pure, rien ne ressemble plus à Shakespear.
Si vous écrivez à frère Helvétius, je vous supplie de ne lui pas laisser ignorer ma tendre amitié pour lui. Je n'écris guères, parce que je n'en ai pas le temps, et si je ne vous écris pas de ma main, c'est que j'ai la fièvre. Adieu mon très cher confrère.
V.