8 de février [1762]
Monsieur, lorsque je lis un ouvrage qui m'intéresse et m'enlève, je m'écrie: C'est du Voltaire! Voilà le sentiment que vous m'inspirez, c'est mon guide, je n'en connais point d'autre.
Les grands peintres peuvent apprécier un tableau; mais combien peu y en a-t-il qui peuvent dire avec le Corrège, Je suis peintre? C'est un droit qui vous appartient; quant à moi, je n'ose être dans les ouvrages de goût esclave de mon jugement.
Après cet aveu, je puis vous dire que l'ode que vous réclamez en faveur d'un autre, m'a plu: j'y ai trouvé un cœur pénétré des maux de l'humanité, de la hardiesse dans les expressions, et plusieurs vérités. Ces sentiments sont dignes de vous.
Puissiez vous jouir longtemps de l'heureux avantage d'éclairer les hommes! et puissé je avoir celui de vous donner des preuves de l'estime avec laquelle je suis,
monsieur,
votre très affectionné ami et serviteur
Henri, prince de Prusse