1761-12-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Françoise Catherine de Beauvau-Craon, marquise de Boufflers-Remiencourt.

Vous m'avez permis madame d'avoir l'honneur de vous écrire quelquefois.
Je profite de cette liberté pour vous dire que Le roy ayant daigné souscrire pour la valeur de deux cent exemplaires de la nouvelle édition de Corneille, L'empereur pour cent, l'impératrice pour cent, l'impératrice de Russie pour deux cent, sa majesté le Roy de Pologne a souscrit pour un. Nous allons imprimer les noms des souscripteurs. Je crains qu'il n'y ait une méprise dans cette unité du Roy de Pologne. Il me paraît que cette unité ferait un trop grand contraste avec les zéro qu'on trouve dans la souscription de tant d'autres souverains. Je crains de luy déplaire et c'est le but de ma lettre. Mademoiselle Corneille ne demande point une libéralité trop forte et qui ne puisse être à charge. Mais j'ay peur qu'il ne convienne pas à la dignité du Roy de Pologne que son nom paraisse pour un seul exemplaire.

J'ay cru que je ne pouvais mieux m'adresser qu'à vous madame pour savoir ce qui convient, et quelle est l'intention de s. m.

Pardonez moy cette importunité, elle me procure l'honneur de me rappeller à votre souvenir.

Il est vrai que melle Corneille n'est pas lorraine, mais elle est la nièce du grand Corneille. Le roy de Pologne est devenu français, il écrit en français. Il s'appelle le bienfaisant.

J'ay l'honneur d'être avec bien du respect

madame

votre très humble et très obéisst serviteur

Voltaire