1761-06-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à François de Chennevières.

Vos vers sont charmants mon cher ami.
Vous n'en avez fait jamais de si jolis. Je ne m'occupe plus àprésent que des vers des autres.

Me voicy enfoncé dans ceux du grand Corneille. J'entreprends avec l'agrément de l'académie une magnifique édition de ses pièces de théâtre avec des remarques sur la langue et sur l'art qu'il a crée. Je fais établir une souscription. Le produit sera pour mr Corneille et pour sa fille qui n'ont d'autre bien que le nom de Corneille. Le prix de chaque exemplaire orné de très belles Vignettes ne sera que de 40lt et on ne les payera qu'en recevant le livre. Je souscris moy même pour six exemplaires, presque tous nos académiciens en font autant. Nous nous flattons que Le Roy permettra que son nom soit à la tête des souscripteurs. Ne pouriez vous me dire vous qui êtes du pays, comment on s'y prend auprès de M. de la Vauguion pour obtenir de M. le dauphin une action généreuse? Je crois la chose très aisée, mais je suis absolument inconnu de M. le duc de la Vauguion. Si vous connaissez quelque belle âme qui veuille pour 40 et même pr 80lt, se mettre au rang des bienfaicteurs du sang de Corneille, et voir son nom imprimé avec celuy du roy, comme lors qu'on a vendu sa vaisselle, [nommez] moy ce noble personnage.

Mille respects à la sœur du p[ot].