au château de Ferney 24 octob. 1761
J'écris bien rarement de ma pauvre main, caro cigno, mais quand j'ay un moment où je souffre un peu moins, ce moment est pour vous.
Monsieur Crawford qui vous rendra cette lettre est le parent de ceux qui nous battent, et il est fait pour être au nombre de ceux qui nous instruisent. Il dit qu'il va passer l'hiver en Italie pour sa santé. Mais dans le fonds je crois que c'est uniquement pour vous voir. Car assurément ce n'est pas pour voir des moines. Il faut que les êtres pensants se rencontrent. Vous êtes dignes l'un de l'autre, et je vous envie tout deux.
On prétend que vous venez en France au printemps. Passez donc par ma petite retraitte avec monsieur Cravford. Vous y trouverez la liberté que vous aimez, et l'estime, l'amitié, le zèle, l'acceuil que vous méritez. Adio, farewell et adieu. Tâchez que votre partizan le plus passioné ne meure point sans avoir eu la consolation de vous embrasser.
Voltaire