1761-09-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à Anne Robert Jacques Turgot.

Je vous grondais, Monsieur, et je vous remercie.
Vous allez donc gagner les bourses et les cœurs des Limousins, et faire paier le troisième vingtième à toute la famille de mr Pourceaugnac? Le frère de me Omer, me mandait il y a quelques années, qu'un Intendant n'était bon qu'à faire du mal. Révérence parler, il en a menti, et vous le prouverez bien. Je crois même qu'il n'y a qu'un intendant qui puisse être utile. Ne peut-il pas faire réparer les Chemins de traverse qui sont absolument abandonnés dans le royaume? ne peut-il pas faire défricher des terres, déssècher des marais, encourager des manufactures; Les parlements ne peuvent faire que rendre justice, et la justice est souvent un grand mal; ils peuvent aussi faire des remontrances, et ce n'est pas toujours un bien; car elles servent à décourager la nation, et encouragent nos ennemis, il n'y a que celles du Parlement de Douai qui me plaisent. Vous serez peut être un jour controlleur général, mais alors je serai mort.

Le malingre n'a pas l'honneur de vous écrire de sa main, mais il ne vous en est pas moins attaché avec une très respectueuse tendresse.