aux Délices 21 juin [1761]
Vous devenez Monseigneur le duc tout jeune que vous êtes, le père de l'académie, et vos discours vous ont rendu cher au public.
La protection que vous donnez aux descendants de Corneille, augmente encor s'il est possible la vénération qu'on a pour vous.
Tous mes soins deviendront infructueux s'il ne se trouve quelques âmes aussi sensibles et aussi nobles que la vôtre. Je me flatte que votre nom imprimé à la tête des souscripteurs engagera plusieurs personnes à donner le leur. On portera sans doute le Roy à permettre en qualité de protecteur, qu'il soit regardé comme le premier bienfaicteur de la famille du grand Corneille. Je suis bien sûr que dans l'occasion vous voudrez bien apuier mes propositions de votre crédit et de vos conseils. Je vous en fais mes très humbles remerciments. Mademoiselle Corneille y joindrait déjà les siens, si les ménagements qu'on doit aux infortunez m'avaient permis de l'instruire de ce qu'on fait pour elle.
J'ajouteray que je crois convenable que chaque académicien non seulement donne son nom, mais qu'il nous procure des souscripteurs, car lors que les srs Crammer seront à Genève comment pouront ils en avoir à Paris?
Je vous demanderais pardon monseigneur de tous ces détails si vous aviez moins de générosité. J'ay seulement peur de n'avoir assez de santé pour conduire cette entreprise à sa fin. J'attends votre discours avec impatience et serai toutte ma vie Monseigneur avec autant d'estime que de respect,
Votre très humble et très obéisst serviteur
Voltaire