1761-01-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg.

Pardon madame, pardon, j'ay eu des jésuittes à chasser d'un bien qu'ils avaint usurpé sur des gentilshommes de mon voisinage.
J'ay eü un curé à faire condamner. Ces bonnes œuvres ont pris mon temps. Je commence à espérer baucoup de la France sur terre, car sur mer je l'abandonne. On paye les rentes; on éteint quelques dettes. Il y a de l'ordre malgré touttes nos énormes sottises. J'ay peine à croire qu'on ôte le commandement à mr le maréchal de Broglie. Il me semble qu'il s'est très bien conduit en conservant Gœttingue.

Avez vous madame monsieur le comte de Lutsbourg auprès de vous? Comment vous trouvez vous du vent du nord? C'est je crois votre seul ennemi. Songez madame que l'hiver de la vie qui est si dur, si désagréable pour tant de personnes, et au quel même il est si rare d'arriver est pour vous une saison qui a encor des fleurs. Vous avez la santé du corps et de l'esprit. Il est vrai que vous écrivez comme un chat. Mais dans vos plus beaux jours vous n'eûtes jamais une plus belle main. Voyez vous quelquefois monsieur de Lussé? seriez vous assez bonne madame pour me rappeller à son souvenir?

Madame la marquise est donc impitoyable? ou vous? Je n'aurai donc pas copie de son portrait?

Vivez heureux et longtemps mad[ame], nous vous souhaittons ma nièce et moy ces deux petites bagatelles de tout notre cœur.

V.