à Paris, ce 26 novembre 1760
Je suis bien persuadé, monsieur, que vous lirez avec quelque plaisir un ouvrage qui intéresse à la fois le grand Corneille, m. de Voltaire et votre ami.
Quelle sensation n'eût point faite cette ode où parle l'ombre de Corneille, si vous l'eussiez lue sur le théâtre, après Cinna ou les Horaces. Cet usage de déclamer en public et sur la scène, des ouvrages nouveaux, existait chez les Grecs et les Latins; c'était une source de gloire et d'émulation. J'ai vu m. de Voltaire regretter qu'il fût aboli.
Vous m'avouerez que dans les circonstances présentes, où ma pièce et l'action de m. de Voltaire commencent à émouvoir le public, cette lecture solennelle pouvait inspirer l'enthousiasme de la bienfaisance en faveur des descendants de notre héros tragique.
Je joins, monsieur, quatre exemplaires au vôtre pour mesdemoiselles Gaussin, Dumesnil et Clairon, et pour m. Grandval; je vous prie de les leur présenter de ma part, et de les assurer que c'est la moindre politesse que doive un adorateur du grand Corneille à ceux qui ont si généreusement accueilli sa famille. C'est vous qui l'avez offerte à la bienfaisance publique; vous avez ouvert la route: m. de Voltaire et moi, n'avons fait que vous suivre. Vous avez fait voir que ceux qui font parler si dignement les héros, en respirent les sentiments.
J'ai l'honneur d'être avec toute l'estime et l'amitié possible, monsieur,
Lebrun