1760-11-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Grâce Bosc Du Bouchet, comtesse d'Argental.

Je reçois, madame, toutes vos bontés du 7 novembre, tous les témoignages de votre attention angélique, de votre goût, de votre zèle inaltérable pour Tancrède.
Je n'ai qu'un moment pour y répondre. Il est une heure et trois quarts, la poste part à deux heures. Que vais je devenir? Prault m'écrit qu'on imprime partout Tancrède défiguré, qu'il va le défigurer aussi. Mes anges peuvent ils parer ce coup funeste? Je vais être déshonoré; madame de Pompadour croira que je me suis moqué d'elle. Ne me reste-t-il qu'un parti? celui de faire vite imprimer à Genève, et d'envoyer la pièce imprimée par la poste en désavouant l'édition de Prault? J'aurai l'honneur d'écrire le 17 à mes anges, ce que j'aurai pensé à tête reposée. Mon cœur qui va plus vite que ma tête vous écrit lui tout seul: il est pénétré pour vous de la plus tendre et la plus respectueuse reconnaissance.

V.