11 juillet [1760]
Mon divin ange mettez Diderot de L'académie.
C'est le plus beau coup qu'on puisse faire dans la partie que la raison joue contre le fanatisme et la sottise. Je vous promets de venir donner ma voix. Je vous embrasserai et je repartirai pour ma douce retraitte après avoir signalé mon zèle en faveur de la bonne cause. J'ay les passions vives. Je me meurs d'envie de vous revoir, et je ne peux trouver un plus beau prétexte que celuy de venir donner ma voix à Socrate et des souflets à Anitus.
Il me semble que Diderot doit compter sur la pluralité des suffrages, et si après son élection Les Anitus et les Mélitus font quelques démarches contre luy auprès du Roy, il sera très aisé à Socrate de détruire leurs batteries en désavouant ce qu'on luy impute et en protestant qu'il est aussi bon crétien que moy.
M. le Duc de Choiseuil dit que vous ne l'aimez plus. Vous l'avez donc bien grondé. Imposez luy pour pénitence de faire entrer Diderot à L'académie. Il faudrait qu'il daignast en être luy même et introduire Diderot. Ce serait Pericles qui mènerait Socrate.
Il me reste encor un Russe. Je vous l'envoye, mais pourquoy n'imprime t'on pas à Paris ces choses honnêtes tandis qu'on imprime des fréronades et des pompignades?
Je fais des vœux pour qu'on écraze Luc et qu'on ait cent vaissaux de ligne. C'est encor là une de mes passions. Je suis un vieillard bien verd.
V.
Voulez vous avoir la bonté de donner l'incluse à L'ambassadeur de Francfort? Il est ambassadeur d'une fichue ville. Je le barrerai dans ses négociations, mais ce ne sera pas dans celle de faire recevoir Diderot chez les quarante.