1760-10-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Petits changements nécessaires
dans la tragédie de Tancrede

acte second

scène 1ère

AMENAIDE entrant sur la scène

O ciel approuves tu mes généreux desseins?
Daignes tu seconder ma démarche hardie?..
Allons — rassurons nous.
(à Fanie qui entre)
Sui-je en tout obéie?
etc.

scène 4

Je voudrais bien qu'on remit ces vers —

Vous connaissez mon cœur — est il donc si coupable?

Ils ont fait effet sur mon téâtre.

au lieu de

Ramenez moy soldats où vous m'alliez conduire

mettez

Qu'on me rende à la mort où l'on m'allait conduire.

Je demande en grâce que mademoiselle Clairon dise le monologue que j'ay envoyé. Il a fait pleurer chez moy.

acte troisième

Je demande instamment qu'on remette la scène de Tancrede et d'Aldamon comme elle était, qu'on ôte cet abominable car et qu'on mette à la place

TANCREDE

Orbassan! l'ennemi, l'oppresseur de Tancrede!
Ami quel est ce bruit que j'entends dans ces lieux?..
J'aprends en arrivant que cet audacieux
Préparait de l'himen la pompe solemnelle,
Que sur Amenaide il a levé les yeux —
Est il vrai qu'il prétende à s'unir avec elle?

ALDAMON

Hier confusément j'en appris la nouvelle.

Il me parait bien naturel que sur le chemin tout le monde parle du mariage d'Orbassan et très naturel encore que Tancrede ne s'ouvre que par degrez au caporal Aldamon.

acte 4

Je conjure encor qu'on ôte ces cruels vers de Loredan,

Ouy nous vaincrons seigneur mais déjà le temps presse,
Ne songeons qu'à l'objet qui tous nous intéresse,
A la victoire.

En vérité ce qui était à la place de ces vers était incomparablement mieux.

Otez encor ce détestable vers,

Et tout se réunit pour devoir l'abuser,

et mettez je vous en supplie

La voix publique entraine, elle a dû l'abuser.
Excusez un amant.
à la fin de l'acte,
ne crois pas m'arrêter —

On ne tutoye point son père.
Mettez au nom de Dieu

qui pourra m'arrêter?

Pardon de tant de peine que je donne à mes divins anges. C'est mon absense qui en est cause; j'ay à la fois le malheur de ne les point voir, et de les accabler de mes sottises.

On peut assembler les comédiens. Ils peuvent prendre la peine de réciter ce qui me coûte ma santé à retravailler pendant deux nuits. S'ils jouent la pièce seulement deux fois sur cette nouvelle leçon et si Brizar a la moitié de ma chaleur attendrissante, ils auront beaucoup d'argent à la reprise. Fanime vient de faire fondre en larmes.