1760-09-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Il me semble, mon cher correspondant, que je suis plus vif dans les affaires que mr Daun ne l'est dans ses campagnes: on dit le général Bek battu à la barbe de ce mr de Daun; pour moi je ne veux battre que Rigollet, ou du moins l'empêcher de troubler nôtre repos à Genêve; La guerre Littéraire n'est bonne que pour Paris.

Vous avez donc eu la bonté, Monsieur, de faire trouver frumental; la casse est elle toujours aussi horriblement chère que l'année passée? Il n'y a plus moyen d'être malade avec cette horrible guerre; où est le temps où j'avais la casse à 18s lalt? Celà ne reviendra plus, les hommes sont trop méchants. Cependant douze livres de bonne casse me viendraient bien à propos.

J'ai pris mon parti; je ne dépenserai point cent mille francs cette année au château de Ferney; je serai le plus sage que je pourai; je veux vivre encor deux ans pour vous y donner une très jolie fête. En attendant, nous allons y marier le Résident. Pour moi il n'y a pas d'aparence que je me marie sitôt.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.