à Paris le 18 juillet 1760
Vous avez vu sans doute, monsieur, toutes les horreurs que Voltaire écrit et envoie contre moi à Paris.
Si mon caractère me portait à répondre par des libelles à des libelles, j'en ferais tout aussi aisément et peut-être tout aussi bien que lui; mais je vous proteste que je ne suis pas assez sensible à ses injures pour que la tête me tourne au point d'en écrire moi même et de me faire mépriser de tous les honnêtes gens. Je vous prie seulement, monsieur, de m'accorder un peu plus d'indulgence que par le passé pour quelques traits de pure plaisanterie qui pourront m'échapper dans mes feuilles sur ce fou de Voltaire. Je vous promets de ne me rien permettre d'odieux à son sujet, quoique la matière soit très ample, et si malgré mes intentions et ma promesse, je m'abandonnais sans y penser à quelque personnalité véritablement offensante, je vous prie en grâce de me la supprimer. Mais si je ne fais que m'égayer, sans que j'attaque sa probité, qui est nulle, je vous prie aussi de me laisser jouir de ce plaisir. Il est du droit des gens et de tous les citoyens de repousser les injures, même par des injures, et cependant je renonce à ce droit. Je ne demande qu'à rire de temps en temps, et à vous faire rire vous même si je le puis. C'est bien la moindre chose qu'on puisse m'accorder. Je sais que je pourrais répondre à Voltaire par des écrits à part et que j'aurais toutes les permissions du monde pour les faire paraître; mais je vous supplie de considérer, monsieur, que mon ouvrage me demande tout entier et que je n'ai pas le temps de faire quelque chose hors de mes feuilles. C'est mon territoire, mon champ de bataille, trouvez bon que je m'y défende. Je vous en serai, monsieur, infiniment obligé.
J'ai l'honneur &a.